17 novembre 2006

Clément Marot (vers 1496 - 1544)


Un des plus célèbres poètes français dont les ambiguités religieuses traduisent les difficultés de l'époque.

I. Un poète de cour

Il est né vers 1496 à Cahors. C'est le fils de Jean Marot qui grâce à ses poèmes à su conquérir la cour d'Anne de Bretagne. Originellement petit boutiquier, il devient rhétoriqueur et est chargé de chanter la gloire du roi Louis XII: pour lui la forme est plus importante que le fond, il s'impose des contraintes très difficiles.
Clément Marot suit les traces de son père et devient clerc chez un procureur de la chancellerie, milieu très favorable aux humanistes, après avoir fait de solides études de droit. Il commence par traduire Virgile, puis il se lance dans le poème avec le temple de Cupidon, à l'occasion du mariage de François Ier.
En 1519, il passe au service de Marguerite d'Angoulême; c'est par ce biais qu'il apprend à connaître les premières idées évangélistes. Il suit la cour et va au camp du drap d'or. En 1521, il participe au début de la guerre. En 1527, il succède à son père en tant que valet de chambre du roi.

II. Au coeur du XVIème siècle politique et religieux

Clément Marot prétend dans ses épitres avoir été inquiété par ses idées religieuses entre 1526 et 1532. Il fait plusieurs fois de la prison, notamment pour avoir rompu le jeûne ou pour avoir libéré des prisonniers. Mais peut être a-t-il tout simplement calqué ses idées sur le poète François Villon qui lui avait fait de la prison.
Il est très mal vu par la Sorbonne et le Parlement et ne peut continuer à écrire qu'avec la protection du roi et de Marguerite d'Angoulême. En 1534, il est sur la liste des personnes inquiétés pour l'affaire des placards, condamné par contumance à être brûlé. Il se réfugie alors à Nérac puis à Ferrarre. En 1536, il revient en France et abjure solenellement.
Il traduit des psaumes qui sont publiés à Strasbourg, l'Enfer est publié à Anvers. En 1543, ses livres sont mis à l'index. Il s'enfuit d'abord à Genève, mais il ne s'y sent pas bien, puis à Turin où il meurt en 1544.

III. Les oeuvres

Il commence par écrire des poèmes de grand rhétoriqueur mais abandonne très vite et revient à une tradition plus médiévale, dans la veine de François Villon. Il adopte alors des formes très simples qui le rapproche de l'oralité. Son oeuvre est très appréciée à travers les siècles.
Son originalité tient au fait qu'il écrit dans un style très simple et utilise ses propres sentiments dans ses poèmes: c'est la naissance du "moi" en littérature. Il écrit des ballades, des rondeaux mais aussi des chansons, des épigrammes, des épîtres et même des coqs à l'âne.
On peut citer entre autre:
  • le temple de cupidon en 1515
  • l'adolescence clémentine en 1532
  • la suite de l'adolescence clémentine en 1534
  • Les oeuvres en 1538 (avec notamment des épîtres)
  • Les psaumes en 1541
  • l'Enfer en 1521

IV. Epître XVI de l'adolescence clémentine

Marot Prisonnier escript au Roy, pour sa delivrance

Roy des Françoys, plein de toutes bontez,

Quinze jours a (je les ay bien comptez)

Et des demain seront justement seize,

Que je fuz faict Confrere au Diocese

De sainct Marry en l'Eglise sainct Pris:

Si vous diray, comment je fuz surpris,

Et me desplaist, qu'il fault que je le dye.

Trois grands Pendars vindrent à l'estourdie

En ce Palais, me dire en desarroy,

Nous vous faisons Prisonnier par le Roy.

Incontinent, qui fut bien estonné,

Ce fut Marot, plus que s'il eust tonné.

Puis m'ont monstré ung Parchemin escript,

Où il n'avoit seul mot de Jesuchrist:

Il ne parloit tout que de playderie,

De Conseilliers, et d'emprisonnerie.

Vous souvient il (se me dirent ilz lors)

Que vous estiez l'aultre jour là dehors,

Qu'on recourut ung certain Prisonnier

Entre noz mains? Et moy de le nyer:

Car soyez seur, si j'eusse dict ouy,

Que le plus sourd d'entre eux m'eust bien ouy:

Et d'aultre part j'eusse publicquement

Esté menteur. Car pourquoy, et comment

Eussé je peu ung aultre recourir,

Quand je n'ay sceu moymesmes secourir?

Pour faire court, je ne sceu tant prescher,

Que ces Paillards me voulsissent lascher.

Sur mes deux bras ilz ont la main posée,

Et m'ont mené ainsi qu'une Espousée,

Non pas ainsi, mais plus roide ung petit:

Et toutefois j'ay plus grand appetit

De pardonner à leur folle fureur,

Qu'à celle là de mon beau Procureur.

Que male Mort les deux jambes luy casse:

Il a bien prins de moys une Becasse,

Une Perdrix, et ung Levrault aussi:

Et toutesfoys je suis encor icy.

Encor je croy, si j'en envoioys plus,

Qu'il le prendroit: car ilz ont tant de glus

Dedans leurs mains ces faiseurs de pipée

Que toute chose, où touchent, est grippée.

Mais pour venir au poinct de ma sortie:

Tant doulcement j'ay chanté ma partie,

Que nous avons bien accordé ensemble:

Si que n'ay plus affaire, ce me semble,

Sinon à vous. La partie est bien forte:

Mais le droit poinct, où je me reconforte,

Vous n'entendez Proces, non plus que moy:

Ne plaidons point, ce n'est que tout esmoy.

Je vous en croy, si je vous ay mesfaict.

Encor posé le cas que l'eusse faict,

Au pis aller n'escherroit que une Amende.

Prenez le cas que je la vous demande,

Je prens le cas que vous me la donnez:

Et si Plaideurs furent onc estonnez,

Mieulx que ceulx cy, je veulx qu'on me delivre,

Et que soubdain en ma place on les livre.

Si vous supply (Sire) mander par Lettre,

Qu'en liberté voz gens me vueillent mettre:

Et si j'en sors, j'espere qu'à grand peine

M'y reverront, si on ne m'y rameine.

Treshumblement requerant vostre grâce,

De pardonner à ma trop grand audace

D'avoir empris ce sot Escript vous faire:

Et m'excusez, si pour le mien affaire

Je ne suis point vers vous allé parler:

Je n'ay pas eu le loysir d'y aller.



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